L’application Wilbi : un premier niveau d’information intéressant pour découvrir des métiers
L’application Wilbi propose de découvrir des métiers via des « Vidéos au format story comme sur Instagram ou Facebook, » en « swippant comme sur l’application de rencontres Tinder ». Elle dit être « un peu comme un stage de découverte de 3ème digitalisé sans contraintes de temps, de déplacements, ni réseaux de connaissances ». Quels sont, selon moi, les avantages et les limites de cette application ?
Elle permet de rechercher de l’information gratuitement. Elle offre des gains de temps quand il s’agit de se renseigner sur des métiers : il est en effet plus rapide de visionner des vidéos plutôt que de lire des fiches. L’application n’utilise pas d’algorithme qui suggérerait des métiers en fonction des goûts de l’utilisateur. Ceci permet de fait de « pousser la curiosité » de la personne sur le large spectre des choix d’avenir. Elle propose des professions très différentes, du grutier, au community manager, en passant par l’ostréiculteur. Sa pratique est familière pour le public jeune. Ceci ne nécessite pas de se demander longtemps comment elle fonctionne. Enfin, elle donne une idée concise des missions, outils, environnements et rythmes de travail.
A mes yeux, il est toutefois nécessaire de pondérer ce qu’elle apporte. La durée du suivi d’un métier est de 30 minutes : 5 jours x 6 vidéos d’une minute par jour. Est-ce vraiment suffisant pour se rendre compte de tous les tenants et les aboutissants d’un métier ? Même si en 3ème le stage est qualifié de « découverte », le collégien a bien plus de temps pour appréhender, grâce à celui-ci, les missions, outils, le milieu de travail et les collègues d’un professionnel.
Il est vrai que les connaissances de l’entourage familial du jeune facilitent la recherche de son stage. Toutefois, trouver un stage de 3ème est l’occasion pour l’adolescent de débuter la création de son réseau professionnel dans des secteurs qui l’attirent. Prenons un exemple : un jeune de 14/15 ans ne connait « personne ». Il prend son téléphone, interagit avec des pros sur les RS ou, si la situation le permet, se déplace directement sur un site (un magasin, l’accueil d’une PME,…). Dans cette manière de faire, il obtient selon moi une première considération non négligeable de ses recruteurs potentiels. Il montre plusieurs qualités : prise d’initiatives évidente, dynamisme, audace,… Plus tard, si l’entreprise doit choisir un stagiaire elle se souviendra aisément du sens des responsabilités de ce jeune .
Les vidéos de cette application ne reflètent pas avec fidélité « toutes les facettes d’un métier ». Elles n’en montrent que des aspects : des gestes techniques, le déroulement d’étapes, des lieux de travail sélectionnés, des interactions entre collègues choisies,… La pratique de l’exercice n’est pas filmée dans certaines conditions ou alors le protagoniste ne parle pas des inconvénients de sa profession : imprévus, « coups de stress », contraintes, difficultés autres,… Il me parait primordial d’aborder également ces éléments pour avoir une vision globale réaliste d’un métier voir même pour éviter de l’idéaliser.
Ce stage « digitalisé » exclut la richesse du contact et des échanges humains. N’oublions pas que 80% de la communication est non verbale. L’immersion en chair et en os dans un environnement professionnel permet de capturer des messages implicites dans un groupe ou en face à face et de faire naître les questions du jeune en observation. Cette curiosité est captée en temps réel par les tuteurs ou maîtres de stage. Leurs réponses nuancées représentent pour le collégien le bien le plus précieux pendant sa semaine en entreprise pour se faire l’idée la plus concrète du métier.
Aborder le monde professionnel via un écran exclut aussi la possibilité qu’offre un stage de réaliser une tâche (ex. fabriquer un croissant, une opération informatique), une manipulation (ex. sur une chaîne de montage), une proposition (ex. imaginer un discours commercial)… Enfin, l’application ne recense actuellement que 200 métiers : combien en existe-t-il ne serait-ce qu’en France ?
En somme, Wilbi est un moyen supplémentaire, rapide et facile à utiliser pour connaître succinctement un panel de métiers qui donne une première impression du champ de leurs possibles. Ceci est une bonne chose. Cependant, l’obtention de ces données est une étape dans le processus d’orientation.
Dans ma posture, j’interviens pour amener l’élève, l’étudiant, la personne en réorientation à se confronter à ces informations recueillies, étape indispensable pour prendre une décision éclairée. Cela signifie conduire le coaché à se demander si l’investigation sur Wilbi ou sur une autre source a été suffisante pour lui, ce qu’il lui manque pour avoir la représentation fidèle des fonctions découvertes ou si finalement il a vraiment besoin d’en enquêter d’autres. Cette démarche implique également d’amener la personne à se demander ce qui est en adéquation entre ces informations et les mises à jour faites à l’issue de l’exploration de sa personnalité, de ses atouts et motivations réalisée grâce aux pratiques spécifiques du coaching d’orientation et ce qui n’est pas en adéquation, etc… C’est à la fin de tout ce cheminement que le coaché tire ses conclusions en termes de choix d’orientation.